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  LEICA  REMONTE LE NIL A LA VOILE

 

 

Le voilier "Leica " (un First 305 Bénéteau) - rentre en France après un périple de 5 mois et demi du Croisic à Assouan en Egypte via la Corse, La Crête, Alexandrie, le Caire et Louxor.

 

Du Delta du Nil à Assouan, "Leica"   - remonte le temps et l'histoire.

 

La femme et la fille d' Alain Guillou Ewa & Melody ont embarqué sur "Leica  " jusqu'en Corse, en Crête et entre Louxor et Assouan.

 

Le but de l'expédition :

 

Réaliser un constat photographique sur l'Egypte et le Nil.

 

Pour couronner son reportage et dans le but de réaliser une photo spectaculaire symbolisant les problèmes de baisse des eaux du Nil menaçant l'Egypte, Alain Guillou obtient de l'Armée de l'Air un feu vert pour transporter son voilier par hélicoptère au dessus du Caire. Il veut le déposer devant les pyramides pour le photographier sous voiles enfoui jusqu'à la flottaison dans le sable du désert, là où, le Nil passait il y a deux mille ans.

 

Par ailleurs, surpris et gêné par l'évolution de la crise du Golf, Alain Guillou constate pendant son voyage que l'Egypte fait face à des problèmes économiques graves. Il tire une sonnette d'alarme. Ce pays risque de connaître la misère et le chaos si les touristes continuent à déserter cette destination.

 

A notre connaissance "Leica  " est le premier voilier moderne équipé de son mât et des voiles à remonter le Nil juqu'à Assouan.

 

 

La Croisière des Pharaons

 

 

Reporter photographe

 

Mon métier : reporter photographe consiste à découvrir le monde sans cesse en quête de sujets de reportages originaux. Une véritable vie de galère ou une existence merveilleuse ? La réponse se trouve probablement dans les quelques lignes qui suivent.

 

C'est une chasse photographique permanente qui se termine dans les pages des petits et des grands magazines internationaux. Le photographe partage ainsi avec le public sa vision d'un monde moderne en pleine évolution o— la beauté alterne avec la laideur, o— les richesses côtoient les plus grandes misères.

 

Le but se trouve parfois ailleurs, dans le plaisir simple d'avoir surmonté les difficultés inhérentes à la réalisation d'une image, d'un projet, d'un reportage. Il réside tout simplement dans le plaisir de regarder une belle photo.

 

J'ai beaucoup navigué, couru et même gagné quelques courses croisières dans les années 60-70.  La mer est une passion, une maladie incurable née  dans les mares des plages Bretonnes... j'ai toujours pensé à un bateau ... un rêve d'enfant parfois inaccessible... pourtant un voilier c'est souvent un tas d'ennuis, de problèmes de tout ordre et comme dit si bien un de mes oncles : "Les deux plus beaux jours de la vie d'un plaisancier c'est celui ou il achète son bateau et celui ou il le vend.

 

Bien évidemment, le métier de reporter n'est pas toujours une panacée du c“té compte en banque.... comment donc réaliser son rêve ?  La réponse est venue progressivement en alliant l'utile à l'agréable : monter une expédition dans laquelle le bateau est à la fois le moyen de transport du photographe et le sujet du reportage.

 

C'est ainsi que commence la recherche des sponsors.... mais avant il fallait trouver une idée. Que peut-on faire avec un voilier pour trouver un budget sans s'inscrire dans les grandes courses transocéaniques ?

 

Le Nil ! L'Egypte, offrait tout cela. C'est un formidable terrain de chasse photographique, une véritable mine d'or avec une histoire passée et contemporaine. Elle offre des scènes de vie millénaires sur une toile de fond en voie de développement industriel,  un dépaysement total et en prime, l'aventure est sur la route.

 

Je ne savais pas alors qu'un bateau dit de plaisance pouvait certains jours maudits se transformer en une galère véritable, digne de la belle époque du bagne... d'autre jour, à la faveur d'un coucher de soleil sur le Nil qui miroite de mille feux scintillants dans les risées courbant les roseaux on exulte de bonheur tant la nature est belle. A la minute suivante on se retrouve plongé dans un cauchemar... l'aventure quoi !

 

Avec le recul du temps tout cela se transforme en bon souvenirs. La force de l'oubli est un des trait essentiel de la nature humaine.

 

Bon, un bateau, un pays super, une orgie de lumière ce n'est pas encore tout à fait suffisant. Il faut encore trouver le petit truc supplémentaire, la photo clé du sujet qui étonnera les gens les plus blasés du monde : les rédacteurs en chef des magazines. Ces gens là, sont les plus grands voyageurs que je connaisse. De leur bureau du fin fond des rédactions, ils voient tout, entendent tout et sont à l'écoute permanente  du grand souffle de vie qui parcourt notre planète. Pour les surprendre, les étonner, les séduire et enfin les motiver à publier une photo ou un reportage, il faut présenter un travail structuré, artistique, journalistique et de plus en plus perfectionné. La culture de l'image change sans cesse et s'adapte à l'évolution de notre monde moderne.

 

L'idée, le contraste, l'esthétique, l'évènement et une technique irréprochable sont les mots clés de cette profession qui fait rêver. La photo est une passion. La vie prend tout son sens lorsque l'on réalise ses passions.

 

Alors pour répondre à la question vie de galère ou vie merveilleuse, je dirais que l'existence sans quelques petits problèmes à résoudre deviendrait bien vite ennuyeuse. Un jour on surf sur le haut de la vague et la seconde suivante on en prend plein la g.... en retombant dans un creux ... il faut toujours faire en sorte de se payer quelques petits surf pour le plaisir...

 

Alors en route pour le Nil... à oui, j'oubliais, cette fois-ci le truc original de mon reportage c'est une photo de mon bateau sous voiles, enfoui dans le sable jusqu'à la ligne de flottaison avec les pyramides de Giza en arrière plan. Le moyen de transport pour l'amener là : tout simplement un hélicoptère. La relation avec le reportage ?  Le Nil passait là il y a quelques milliers d'années et puis quoi de plus symbolique pour matérialiser cette épée de Damoclès qui plane sur l'Egypte : la sécheresse et la baisse des eaux du Nil.

 

 

Une curieuse rencontre

 

Parti à la voile du Croisic vers Arcachon, nous avons transporté Leica   sur un camion à Port Gruissan en Méditerranée. La traversée vers la Corse et Régio de Calabria a été sans histoire si ce n'est que quelques grains orageux dans le Golfe de Gascogne et un atterrissage nocturne dans la brume sur les îles Eoliennes.

 

A la sortie du Détroit de Messine un coup de vent force 9 dans le nez et une mer formée nous incitent à la prudence et à faire demi tour pour revenir au petit matin dans le port de Reggio de Calabria. Cette première expérience de gros temps avec "Leica"   nous laisse présager un comportement on ne peut plus sain du bateau dans de dures conditions.

 

La météo s'étant remis au beau fixe nous appareillons de Reggio en direction de la Crête :  navigation sans histoire pendant 5 jours au rythme des quarts.

 

Une nuit, engoncé dans ma couchette,  Jean-Pierre me réveille. L'urgence de sa voix m'amène sur le pont sans même prendre le temps de m'habiller. A ma grande surprise je me retrouve ébloui par les projecteurs très puissants de deux bateaux qui nous foncent dessus !

 

J'essaie de les identifier m'éclairant en vain avec un projecteur halogène. Ce sont apparemment des chalutiers. Je décide de lancer le moteur de Leica   en catastrophe pour fuir. La radio !  je me précipite, la met en fonction. Mes appels répétés sur le canal 16 restent sans réponses jusqu'au moment o— une voix française se fait entendre :

"Ici un méthanier français, qui appelle ? "

Je réponds en anglais pour que tout le monde comprenne :

"Qu'est ce que vous fichez ? Pourquoi nous foncez-vous dessus ?"

"Moi, je ne fais rien, je suis tout seul sur la mer et il n'y a personne autour de mon navire "  ... ???

Mais qui sont donc ces deux bateaux, que veulent-ils ? Il me paraît important de maintenir un profil bas sur les ondes, de ne pas raconter tout de suite ce qui se passe et surtout de donner de toute urgence ma position à tous les navires dans la zone...

"Voici ma position .... quelle est la v“tre ?"

Je ne dis rien de plus ...et j'entends alors 2 mots brefs en russe suivis d'une réponse faite d'un seul mot tout aussi bref et guttural par une autre voix dans une langue qui semble être de l'arabe.

 

Jean-Pierre m'appelle :

- "Alain ils font demi-tour ! "

... Ouf ! C'est gagné !

 

Nous ne saurons jamais qui étaient et ce que nous voulaient ces gens. Notre position proche de la Lybie et la puissance des projecteurs nous fait penser immédiatement à des chalutiers Lybiens (militaires) en mission de surveillance du trafic en Méditerranée....?  La crise du Golf est en pleine évolution. Ils nous ont peut-être contacté sans succès sur le canal 16, (notre radio n'étant pas en fonction pour des raisons d'économie d'énergie). Ayant aucune réponse de notre part, Leica   sans radio semblait être une proie facile et anonyme. Les histoires de piratage sont fréquentes de nos jours, même en Méditerranée...

 

Une autre hypothèse est que Jean-Pierre, dans la solitude de son quart de nuit, marin pêcheur nostalgique, breton et passionné de bateaux de pêche, n'a pu résister à l'envie de s'approcher de confrères méditerranéens. Ce faisant il a peut être occasionné une gêne dans le travail de ces bateaux irritant leurs capitaines qui décidèrent de nous donner une bonne leçon... si tel est le cas, c'est gagné. Mais je ne le saurai jamais...

 

- "I see some white horses ahead of us !"

 

Je pense : - "Tu parles, nous sommes juste sous ton nez pépère et on les monte allègrement tes white horses..."

 

Traduction : Whites horses =  chevaux blancs assimilés à des vagues déferlantes. A l'approche du détroit entre la Crête et le Péloponnèse le vent et la mer montaient de plus en plus. Nous étions déjà en train d'escalader des vagues de 3 mètres lorsqu'un gros cargo se présente comme une bonne aubaine pour obtenir, par radio, un bulletin météo indiquant à quelle sauce le Dieu Eole avait décidé de nous croquer.

 

Le cargo ralenti et  change de cap pour passer à 100 mètres sur notre arrière... il disparaît sur l'horizon nous laissant lutter sur ce qui allait devenir dans la nuit un véritable champ de bataille.

 

Graduellement le vent est monté, nous avons encore réduit la voilure.... heureusement que j'avais fait poser une quatrième bande ris en passant à Bonifacio. La mer a grossi jusqu'à devenir furieuse, parfois les vagues, comme des colonnes d'eau s'élançaient vers le ciel plus haut que les barres de flèche retombant sur le rouf dans un bruit semblable à celui d'un coup de canon.

 

Progressivement nous nous sommes engoncé dans cette espèce de solitude faite d'une incertitude de plus en plus présente : celle de notre survie. Il nous fallait gagner au vent co–te que co–te et parfois nos efforts se trouvaient réduits à néant lorsque Leica   à bout de souffle s'affalait sous les rafales emmené désemparé sur une centaine de mètres par des déferlantes qui les unes après les autres résonnaient comme un marteau pilon s'écrasant sur sa coque.

 

Le positionneur par satellite GPS, offert par la Société Gérard Lermerle Sarl du Croisic fait merveille m'indiquant la certitude d'une route sur le fond me guidant babord amures droit sous le vent de l'extrémité Sud Ouest de la Crête... 

 

Ayant cet abri à "portée de main", j'ai décidé de lutter contre la mer et le vent plut“t que de fuir ou de prendre une attitude passive nous entraînant plus au large, dérivant dans la tourmente à sec de toile au risque d'être retourné par les vagues.

 

L'anémomètre s'est calé sur 60 noeuds (+-100 Km/h) pour n'en plus bouger pendant 3 heures.... Les 5 heures suivantes, le vent sembla monter encore... l'aiguille de l'indicateur a alors entamé une danse folle entre 0 et 60 noeuds sans jamais s'arrêter sur une valeur intermédiaire. Les vagues sont devenues de plus en plus grosses, difficile de dire leur hauteur, peut-être entre 4 et 8 mètres. Par moment, sous la pression de rafales plus fortes que d'autres, nous avions juste le temps de voir dans la nuit une furie d'écume et de poussière d'eau se ruer vers nous. Toutes voiles choquées Leica   se couchait dans l'eau, désemparé par la violence des éléments.  La mer s'aplatissait alors momentanément, complètement écrasée par la furie du vent. Très vite les vagues reprenaient leur droit déventant nos voiles à la faveur des creux.

 

De temps à autre, dans l'étrave, l'empreinte éphémère d'une étoile filante zébrait la vo–te céleste... dans un ciel étoilé d'une incroyable pureté, nous assistions au défilé de nombreux avions de ligne et au pont aérien instauré pour une autre tempête dans le désert koweitien.

 

Mon esprit se laisse aller à penser à ces passagers et aviateurs d'un autre monde en train de savourer les fastes d'un confort feutré, à peine troublé, par le rugissement des réacteurs.... Nous sommes dans un sacré "pétrin", piégés sur notre coque de noix ballotée en tous sens par la mer qui ne cherche q'une chose : nous désarçonner ... Tous les harnais sont à poste, chacun d'entre nous est équipé de ces merveilleux vêtements Allmer avec dans la poche de sa veste flottante, un stylo lance-fusées et un flash étanche. Quant à moi, en plus du harnais, je me suis amarré avec une sangle larguable fixée sur le rail de fargue me rivant les fesses sur le banc du cockpit. Elle me permet de concentrer tous mes efforts sur la barre et de ne pas disperser mon énergie me cramponnant pour ne pas être éjecté du bateau. Il m'est arrivé plusieurs fois d'être suspendu dans le vide, sur le point de larguer le mousqueton et de dégager par l'arrière pour ne pas être pris sous le bateau en cas de retournement complet. Mais "Leica  " se redressait franchement se comportant merveilleusement bien.

 

L'inconfort, le doute, le temps, la fatigue et le froid sont des ennemis mortels qui nous entraînent vers un état léthargique contre lequel il fallait lutter. Au plus fort du coup de vent Jean-Pierre, qui à la pêche en a déjà vu de toutes les couleurs me dit :

 

"J'ai jamais vu ça de ma vie... je crois qu'on va boire notre dernier verre d'eau de mer et ce sera fini..."

 

Ses paroles partent dans le vent ponctuées par les ruades furieuses de "Leica  " et le bouillonnement des quelques tonnes d'eau qui nous passent sur le crâne. J'ai de plus en plus l'impression d'être sur un bouchon propulsé dans une machine à laver infernale...

 

Il est intéressant de voir comment notre esprit dans ces conditions s'adapte à la situation.  Il se restreint aux pensées essentielles. La seule chose à laquelle je pense est toute ma raison de vivre, mon bonheur et un amour sans limites pour Melody et Ewa ma petite famille vivant dans notre petit nid douillet du Croisic. Je puise en elles toute l'énergie et le courage de lutter contre la démence d'une nature sans merci. De retour en France Ewa me dira que cette nuit là Melody n'a pas dormi, pleurant appelant sans cesse son Papa subissant une fièvre sans signes cliniques apparents atteignant presque 41ø et qui a disparue tout aussi soudainement qu'elle était apparue ... ?  Au bout de la léthargie qui s'installe et contre laquelle il faut lutter il y a une lente désagrégation et l'abandon ...  "Leica  " aurait pu disparaître corps et bien ce jour là...

 

"Leica  " un First 305 Bénéteau tenait bon même si j'avais l'impression que sa coque allait s'ouvrir en deux à chaque instant nous entraînant dans un dernier bouillonnement d'écume.... Au delà de nos efforts, la résistance du matériel conditionnait notre sécurité. Elle reposait totalement sur le sérieux d'un architecte, de ces ingénieurs et techniciens qui sur leur table à dessin et dans les ateliers de Bénéteau ont conçu notre merveilleux bateau.

 

Nous avons gardé un contrôle permanent du plan de voilure. Pour renforcer le mât; j'ai préféré installer l'étai largable mais ne travailler que sur le génois enrouleur de façon à pouvoir optimiser à tout moment la surface de voilure. Jean-Pierre et Steve faisaient merveille se relayant à l'écoute de grand voile, la libérant instantanément à ma demande juste avant la vague ou une rafale pour la reprendre aussitôt après. Cela nous a souvent évité de nous retrouver couchés le mât dans l'eau à l'approche d'une déferlante dangereuse. Libéré de la pression le bateau se redressait juste avant l'impact ayant assez de vitesse pour rester manoeuvrant au bon moment. Je prenais soin ainsi de conserver un plan de voilure avant le plus grand possible pour garder toute la puissance nécessaire. L'enrouleur Furltec a fait merveille et je me demande encore comment cette mécanique a pu résister aux efforts que nous lui avons fait subir.

 

La technique consistait à sauvegarder notre capacité de vitesse, de puissance et de manoeuvrabilité. Nous choquions (relâcher les cordages de manoeuvre des voiles)  en grand juste avant la vague pour, suivant sa taille la prendre de face ou l'épauler et abattre (s'écarter du vent) après son passage (amortir la descente) afin ne pas tomber de plusieurs mètres de l'autre coté (l'impact= risque de démâtage) et reprendre de la vitesse en rebordant (tirer sur les cordages pour regonfler les voiles) à la demande pour négocier la vague suivante.

 

Parfois sous la force du vent "Leica  " se vautrait quand même, toutes voiles choquées, faseyantes, claquantes comme de la t“le torturée par une main implacable.  Les vagues sans répit se ruaient sur nous comme si elles voulaient porter un dernier coup de grâce au bateau.

 

Cette technique et l'attitude adoptées fonctionnaientt même si parfois Leica   repartait en arrière sous l'immense pression des déferlantes. Elle est toutefois éprouvante pour l'équipage et son résultat nous amènera t“t ou tard vers un point de non retour, épuisés, incapables de bouger, morts de fatigue sur un bateau désemparé dans la tourmente. Nous luttions sachant que nous devions rejoindre un abri avant que notre résistance physique ne s'amenuise.  Personne à bord ne souffrait du mal de mer.

 

Au coeur de la tempête une préoccupation majeure me tracassait. Valait-il mieux continuer vers la Crête ou fallait-il virer de bord pour tenter de rejoindre le Péloponnèse. La deuxième option semblait possible et plus intéressante, mais je n'arrivait pas à prendre la décision malgré de nombreux facteurs me poussant vers ce choix...

 

Cramponné sur la barre, après quelques heures de "montagnes russes" je réfléchissais au problème ayant quelques réticences à descendre à la table à carte faire le point sur la situation, (il m'était difficile dans ces conditions de confier le bateau  longtemps à Jean-Pierre qui, équipier au comportement admirable n'avait pour toute expérience de la voile que quelques mois d'entraînement pour les régates du "Défi des ports de pêche"). Pourtant, quelque part dans ma tête, je savais pouvoir compter sur lui pour lutter jusqu'au bout au cas je serais atteint d'un  mal de mer rare mais toujours dévastateur chez moi.

 

Une autre considération qui d'une pensée passagère s'imposait de plus en plus à mon esprit était d'envoyer sur les ondes radio un message de sécurité pour signaler alentour notre situation et notre position. Ma décision prise je n'en parlait à personne afin de ne pas alarmer mon équipage...

 

"Tiens Jean-Pierre, prends-le un moment, je vais faire un point."

 

C'est une acrobatie scabreuse que changer de barreur pour ensuite descendre dans le bateau. Confiant à Steve le soin d'assurer ma sécurité et de saisir le mousqueton de mon harnais au bon moment, je finis par me retrouver à l'intérieur avec la très forte impression de m'être trouvé un instant en équilibre instable sur le dos d'un étalon furieux au cours d'un rodéo.

 

Là, tout était en ordre de marche, chaque chose était amarrée à sa place et tout semblait OK même si quelques objets défiaient toutes les lois de la pesanteur. Ce n'était pas le capharnam auquel je m'attendais.

 

Sur la carte, le détroit entre le Péloponnèse et la Crête forme un gigantesque venturi. Similaire aux Bouches de Bonifacio, à Gibraltar etc... Ici c'est un peu différent dans la mesure ou les reliefs respectifs sont asymétriques. Ma grande expérience du vol en aile delta me disait qu'en me rapprochant des montagnes de la Crête le vent allait encore accélérer et que sous le vent de l'île nous allions subir des claques terribles tombant verticalement sur le bateau, (le skypper d'un voilier de charter local me dira plus tard avoir été couché ainsi  pendant un quart d'heure à sec de toile dans cet endroit dont la mauvaise réputation n'est plus à faire).

 

Assis à la table à carte, un pied calé contre la cuisine, je me cramponnais de mon mieux pour reporter la position et notre route fond sur la carte quand par dessus les coups de tonnerre résonnant sur toute la coque un bruit monstrueux s'est fait entendre à l'extérieur. Je suis incapable de dire ce qui s'est passé exactement. La seule chose dont je me souviens c'est d'avoir senti un choc comme si une locomotive nous percutait à pleine vitesse et de m'être retrouvé groggy dans le poste avant ballotté en tout sens, soulevé et retombant comme un sac de pommes de terre jusqu'au moment ou  luttant de toutes mes forces contre l'angoisse j'ai pu me cramponner et revenir tant bien que mal vers la table à carte après avoir vérifié s'il n'y avait pas d'eau dans les fonds....

 

"Pan, Pan Pan  from sailing boat "Leica  " to all ship ..."

 

pas de réponse.....

 

" Pan Pan Pan, this is the sailing ship Leica  . Is there any boat around?"

 

"Pan Pan Pan this is "Leica  " to all ship ..." ...

 

""Leica  " this is sailing ship xxx reading you clear go ahead over"

 

(Pan Pan Pan est une procédure radio de sécurité internationale adressée à tous les navires pour signaler une difficulté).

 

Du fond du désert et de la nuit une voix amie me répondait... la dernière cabriole m'avait un peu ébranlé. A cause d'une déferlante, je n'ai pas bien compris le nom du voilier anglais qui me répondait. La voix de ce type était calme flegmatique et j'avais l'impression qu'il était en train de boire du champagne et de bouffer du caviar à la cuiller.

 

Je lui donne ma position et en 30 secondes il me signale être à 4 nautiques au vent fuyant la tempête sur un voilier de 25 mètres en route pour Malte. Il vient d'Héraklion et m'explique qu'au Nord de la Crête c'était l'enfer. Je lui signale ne pas être en difficulté et mon désir de mentionner à un autre navire ma position et ma route en regard à la punition sévère infligée à "Leica  " ainsi que mes doutes quant à la résistance de mon bateau dans ces conditions. Je lui fais part de mes réflexions et il me confirme avoir les mêmes idées avec en plus un facteur auquel je ne pensais pas. En direction du Péloponnèse il y a plus de trafic maritime que dans la zone désertique vers laquelle je me dirige.

 

Je prends alors la décision de virer de bord. Aujourd'hui, j'ai le sentiment que ce type nous a sauvé la vie. Je ne le rencontrerai peut-être jamais, mais j'espère beaucoup qu'un jour il lira cet article et qu'il cherchera à me joindre.

 

Nos routes se sont croisées à 100 mètres. Nous avions l'impression de passer à c“té d'une planète différente et inaccessible. A chacun sa "fortune de mer".  Son feu de mât disparaissait parfois complètement derrière les vagues s'évanouissant progressivement dans la nuit.

 

Nous sommes restés plus de 24 heures dans le doute mais sans jamais mollir ni réduire notre effort. Je me demandais combien de temps nous pourrions tenir. Progressivement le vent a changé légèrement de direction et la mer est devenue moins agressive. Lorsque l'aiguille de l'anémomètre s'est enfin stabilisée sur 50 noeuds nous avons ressenti une impression de calme, de sécurité, nous apportant la certitude que nous allions nous en sortir.

 

Au petit matin, les conditions étant plus maniables, j'ai laissé la barre à Jean-Pierre pour refaire un point de contr“le au GPS et une étude de la route, j'ai réalisé que nous avions gagné en cap, voyant au bout du tunnel une lueur d'espoir. Soudain un voix crache à la radio...

 

"Does anyone speaks English around here ?"

 

Retour à la vie... dialogue avec un gros catamaran qui venait de Brindisi en Italie et avait pointé son nez dehors en sortant de l'abri du Péloponnèse pour faire demi tour alors qu'il tentait lui aussi de rejoindre Héraklion en Crête.

 

Je reprends le quart avec Steve. Jean-Pierre descend dans le carré et vacille comme un boxeur groggy. Je réalise qu'il dors debout tout en gardant un équilibre précaire. Cela dure au moins 30 secondes avant qu'il ne s'écroule anéanti sur la couchette tribord...

 

Ayant défilé devant une multitude de cargos, de ferry et de navires s'étant mis à l'abri nous mouillons dans une petite crique sous le vent du cap Matapan. Le catamaran nous rejoint. Le décors est grandiose. Il y a un petit village et par geste je fais comprendre que je désire téléphoner. Dans le lointain les voix d'Ewa et de Melody sont tout le bonheur du monde. Après deux jours d'escale dans la petite crique de Tigana nous avons appareillé vers Héraklion en Crête.

 

Ewa et Melody sont venues nous rejoindre. A une dizaine de kilomètres d'Héraklion il y avait un petit port appartenant à Marina H“tel. Je décide de venir y faire escale.

 

La sécurité de cette marina me semblait précaire en cas de coup de vent du Nord mais le management de l'h“tel me rassure et me convainc de la sécurité totale des lieux en me recommandant de reconnaître le chenal tortueux et peu profond sinuant entre bancs de sables et cailloux.

 

J'invite Jean-Pierre à venir faire la reconnaissance du passage.

 

Il va falloir jouer serré à l'arrivée. Un vent de 55 noeuds soufflait de terre. Une approche directe sur le quai, face au vent était impossible. A l'instant critique, je donne l'ordre de lancer un cordage. Steve, lance et manque. "Leica  " sans vitesse, incontr“lable dérive dangeureusement vers les rochers.

 

Je me précipite, mais il est déjà trop tard et je manque mon coup. Poussé par le vent "Leica  " s'approche maintenant à toute vitesse des cailloux.... il reste une petite chance. Manoeuvre ultime et désespérée : j'embraye la marche arrière à fond. Le gouvernail babord et la coque du bateau défilent à quelques dizaines de centimètres du rocher... nous échappons de justesse pour nous échouer sur un banc de sable. Moteur rugissant "Leica"   se dégage. Jean-Pierre se précipite et réalise du premier coup un lancer d'amarre incroyable, bien vite saisie par un pêcheur local. Ouf ! Nous venons de fr“ler la fin du voyage.

 

Les jours suivants sont une vraie galère. Tout dabord il fallait trouver un équipier, Jean Pierre devant rentrer en France pour reprendre la pêche au Croisic.

 

Ensuite, le vent a tourné au Nord se renforçant en tempête. Les rouleaux déferlants sur la plage proche rendaient toute sortie de "Leica  " impossible. Un marin, s'occupant de la vedette du propriétaire de l'h“tel me dit alors que plusieurs bateaux ont coulé l'année dernière dans des conditions similaires.

 

"Leica  " danse, tire sur ses amarres. Les déferlantes passent par dessus la jetée. Il n'y a plus rien à faire que d'attendre... Steve surveille le bateau jour et nuit pendant que de l'h“tel je téléphone, envoie des fax vers la France pour remplacer Jean-Pierre.

 

Nous avons perdu 3 semaines qui s'additionnant aux autres retards, nous le réaliseront plus tard seront fatidiques à la réalisation de ma photo de "Leica  " sous voiles dans le désert devant les pyramides.

 

Notre situation financière met en danger notre capacité de continuer. Un des sponsors de l'expédition s'est désisté juste avant le départ laissant un trou énorme dans le budget. Chaque instant de notre croisière est une lutte permanente contre les difficultés diverses, le temps et l'argent qui nous font défaut.

 

Ewa et Melody repartent vers la France prévoyant un arrêt d'une journée à Athènes pour essayer de visiter les quelques magazines d'un marché que nous n'exploitons guère... Jackpot... Au premier magazine Ewa décroche la timbale et vend à tout le groupe de presse la quasi totalité des reportages disponibles dans notre collection ...

 

"Leica  " fait le plein de vivre et repart vers Alexandrie profitant d'un créneaux favorable fourni par la Météo Marine Internationale à Paris. Les prévisions sont incroyablement précises. Les variations de vent changent comme prévu en temps et en heure sur les zones annoncées.

 

Enlevez au moins vos chaussures !

 

A l'arrivée dans les eaux territoriales égyptiennes, j'avertis par radio les autorités du port d'Alexandrie de notre arrivé. On me demande plusieurs fois quelle est la teneur de notre chargement... J'essaie en vain d'expliquer que je suis un petit voilier en provenance de Crête... et demande une place à quai...

 

- "Yes captain - standby, w'll call you back but tell me what is your shipment ?"

 

Après une heure de discussion infructueuse, la terre s'approchant je me vois obligé de m'occuper en priorité de l'atterrissage délicat reportant à plus tard le problème. Nous embouquons les passes du grand port de Commerce, la nuit tombée, cherchant un endroit pour amarrer "Leica  " au milieu d'un monstrueux mic mac de cargos et de navires de tous tonnages attendant au mouillage une place à quai pour décharger leurs marchandises.

 

Soudain de derrière un tanker l'ombre massive d'un remorqueur surgit nous fonçant dessus à pleine vitesse. Arrière toute ! la lourde coque en acier défile dangeureusement à quelques centimètres de la coque fragile de "Leica"  ... Le remorqueur vire sec et revient à la charge ... Je manoeuvre pour l'éviter à nouveau en criant :

 

- "Please no, no ! stop it !"

 

J'entends des rires, des éclats de voix qui me semblent être des plaisanteries ... Sur un quai proche, je distingue alors des lampes torches, un groupe me signale de m'approcher. Le faisceau de ma lampe halogène éclaire des officiers en uniforme. Le seul moyen pour éviter d'être abordé sauvagement est de nous diriger vers ce quai dans l'espoir d'y trouver une personne parlant anglais.

 

Une vedette de police surgit sirène hurlante, et cherche elle aussi à nous foncer dessus. C'est complètement dément. A son bord, des marins rient et plaisantent, gesticulent comme des gosses. J'évite de justesse un autre abordage et je range "Leica  " contre le quai.

 

Le remorqueur, encore lui, surgit, toujours à pleine vitesse ayant visiblement l'intention de s'amarrer à couple de mon bateau. J'explique à temps à un colonel de la sécurité que sa coque en fibre de verre ne résistera pas à cet accouplement sauvage. ... histoire du pot de terre et du pot de fer... Ouf ! Il comprend et éloigne enfin la brute aveugle qui s'évanouit à la faveur de la nuit.

 

Un officier me demande de débarquer avec les passeports et les papiers du bateau. Ils sont plut“t sympas et m'offrent du thé. Une équipe de la sécurité doit monter à bord pour fouiller le bateau... 5 ou 6 personnes se présentent. J'objecte... on décide d'en faire monter deux...  Ils commencent par le poste avant ou se trouve toute la nourriture... l'un d'eux ouvre un paquet de farine...

 

Malgré la tension et la situation je ne peux m'empêcher de plaisanter en anglais :

 

- "Coca‹ne ! vous en voulez un peu ?"

 

Il me regarde curieusement et renifle la farine... sourire...

 

en roulant les airs :

- "you are a very funny man"

 

Bon, il se déride ... ça marche. La fouille continue. On marche sur les couchettes et les draps avec des chaussures pleine de mazout.... je me fâche... sans effet ni résultat...

 

- "enlevez au moins vos chaussures !"

 

.. pas de réponse...

 

- "avez-vous des armes ? "

- "pourquoi faire ? no pas d'armes. Euh ! si, un fusil de chasse sous-marine."

 

Ils se regardent le chef répond :

 

- "no problem"

 

L'un d'entre eux tombe sur la boite à stylo... en réclame un... je l'offre... il en prend deux. ... la fouille terminée, les deux policiers s'excusent ...

 

"Sorry we do our job !"

 

... et m'expliquent que nous aurions d– aller dans l'ancien port Est et que l'Egypte craint de nouveaux attentats terroristes à la suite de l'assassinat d'un des conseillers du président Moubarak. La crise du Golf est bien là ... comme une réponse à toutes les questions que nous pouvions nous poser. Les problèmes commencent....

 

Un autre officier nous guide jusqu'au port de Police ou nous passons la nuit... "Leica  " baigne dans un bain de mazout. Que ce port est sale ! Demain nous irons dans le port Est. Ce soir "Leica  " est l'invité de la Police et repose gentiment entre deux vedettes pleines de mazout, de bosses aux balcons et chandeliers tordus ou arrachés... La longue marche des démarches administratives commence.

 

Administration - Les Egyptiens inventèrent le papyrus ...

 

... et Napoléon exporta en Egypte les bases d'un système administratif et des lois en vigueur à notre époque.

 

La présence soviétique et le système communiste à marqué à tout jamais ce pays en donnant naissance à une certaine forme de nomenclatura administrative profondément implantée dans toutes les racines de la société. De toute évidence, cette véritable caste sociale gêne considérablement le développement de ce pays ou  beaucoup de gens compétents et volontaires en souffrent terriblement. Cela provoque un exode de l'intelligentia vers des emplois et un mode de vie plus satisfaisant à l'étranger.

 

Visiblement l'Egypte ferait en 1 jour un bond de 10 ans en avant en se débarrassant de ce système. Une simple formalité qui peut s'effectuer en 5 minutes prend parfois plusieurs semaines voir plusieurs mois.

 

Yacht Club ou Service de Presse ?

 

Je travaille sur ce projet depuis 2 ans. Un premier contact avec l'Office du Tourisme Egyptien à Paris me renvoie vers les bureaux du Service de l'Information Gouvernementale.

 

Présentation du dossier, échange de courrier ponctués par les incertitudes de la longue quête aux sponsors. On nous donne un nom au Caire, un téléphone à joindre lors de notre arrivée en Egypte. Heureusement j'ai pu (sans permission) sortir de l'enceinte du port d'Alexandrie le soir de notre arrivée pour aller téléphoner à Ewa en France. Elle confirme le lendemain matin notre arrivée à Le‹la Suliman au Caire.

 

Nous nous sommes amarrés dans le port Est au petit matin sur un ponton du Yacht Club d'ALexandrie.

 

Parmi une demi-douzaine d'inconnus sapés comme des nababs, agents de voyage et de transit, (les nouvelles et le business vont vite ici)  le représentant de bureau de l'information d'Alexandrie nous attend un peu à l'écart. Les gens se précipitent cartes de visite en main. On me fait savoir que le Président du Yacht Club désire me parler. Un homme seul attend, assis dans un fauteuil tourné vers le port. Je m'approche. Il m'explique que sans le Yacht Club je ne peut rien faire et qu'il me faut passer par les services d'un des agents de transit pour avoir toutes les autorisations.

 

Je lui dis que je les ai déjà.

 

-"et la Douane ? Savez vous que vous devez payer une caution du prix du bateau ?"

 

Je retourne vers le groupe et me dirige vers l'homme de l'Information qui se présente. Instantanément le courant passe. La "porte de sortie s'ouvre". Curieuse impression que de se sentir volatile sortant d'un poulailler plein de renards restant sur leur faim. Les hommes d'affaires s'en vont.

 

Hosni virtuose des méandres administratifs m'aide à négocier toutes les autorisations sauf la Douane... obstacle incontournable.

 

L'Ambassade de France en Egypte

 

La Loi égyptiennes tend bien s–r à protéger le pays contre toute importation intempestive. De nombreux produits rentrant dans le pays sont assujettis à une taxe égale à la valeur du produit. Si ce dernier est destiné à ressortir comme par exemple un bien personnel tel que "Leica  ", le propriétaire doit verser une caution de garantie égale à la valeur du bateau. Chose impossible en regard à mes difficultés financières dues au désistement tardif d'un de mes sponsors. Bloqué, depuis 15 jours à Alexandrie, après de multiples démarches vaines, cherchant désespérément une solution, je finis par rendre visite à l'Ambassade de France au Caire. 5 minutes plus tard je repars sautant de joie avec en poche une lettre d'accréditation dans laquelle l'Ambassade garantissait la caution.

 

L'embouchure du Nil n'est pas a sa place

 

Nous quittons enfin Alexandrie cap sur le Delta du Nil. L'ordinateur du bord GPS dérivé des systèmes de positionnement par satellites de l'Armée américaine précis entre 15 et 100 mètres nous dit que l'embouchure du Nil (branche de Rashid) n'est pas à l'endroit ou elle devrait être sur la carte. En l'absence de balisage nous cherchons l'entrée pour enfin découvrir entre deux bandes de sable une ouverture d'une vingtaine de mètres de largeur relié à une lagune qui ne peut qu'être le Nil.

 

Nous approchant vers cette passe, "Leica  " s'échoue et tosse durement sur le fond pendant une bonne demi heure.... Nous finissons par nous dégager et par embouquer l'étroit passage.

 

Au détour d'une courbe, une vedette de la police fluviale nous attend. Prudemment je fais cap immédiatement sur eux afin d'éviter qu'ils n'appareillent pour nous arraisonner... Deux officiers nous demandent en anglais de monter à bord.

 

- "Ok ! mais enlevez vos chaussures."

 

Ils acceptent, sans comprendre vraiment pourquoi, et fouillent le bateau avec beaucoup de respect et de délicatesse. Au sortir de toutes les tracasseries administratives subies à Alexandrie, leur gentillesse spontannée nous touche beaucoup. Geste d'adieux, remerciements : nous reprenons notre route... et entamons enfin une formidable remontée dans le temps et l'histoire.

 

On a marché sur le Nil -

 

En dehors des voies touristiques largement balisées, la remontée du Nil à la voile est une aventure à part entière. Par exemple, entre son embouchure (branche de Rashid) et le Caire,  le fleuve était obstrué par un bouchon de jacinthes flottantes de 3 kilomètres de long si épais qu'il était possible de marcher sur le fleuve. Plut“t que d'attendre quelques longs mois le dégagement d– au courant salvateur créé par l'ouverture des barrages en amont, à la suite d'une enquête faite auprès du Département de l'Irrigation "Leica  " s'est infiltré en plein coeur du Delta du Nil par des canaux d'irrigation quasiment impraticables à la navigation : écluses cassées, ponts de péniches a moitié coulées, envasées que nous avons déplacé à l'aide de tracteurs récupérés sur place , ponts de chemin de fer refusant de s'ouvrir. Tout cela s'expliquant en langage gestuel.

Certains de ces obstacles passés ne permettaient plus le retour du bateau, (par exemple une porte d'écluse qu'il a fallu ouvrir en la tirant avec un camion de 20 tonnes). L'évacuation de "Leica  " de cette zone ne pouvait se faire que par hélicoptère en cas de blocage définitif.

 

Un mode de vie parfois millénaire -

 

Malgré certains petits désagréments du genre attaque à coup de carabine de petit calibre et de pierres lancées par des gamins (bien vite repoussés d'ailleurs par une fusée de détresse envoyée bien haut au dessus du groupe), l'aventure est extrêmement positive à beaucoup d'égards : incroyable gentillesse des populations paysannes et des Egyptiens en général, "Le Delta du Nil offre une des plus belles fresques paysannes de notre planète". C'est aussi, au quotidien, l'exploit de fermiers qui avec un mode de vie et de travail, parfois millénaire, arrivent à assumer la survie d'un pays de plus de 40 millions d'habitants sur des terres dont la superficie n'excède pas celle d'un département français zones urbaines comprises.

 

 

"Please, Ifta Kobré" (S'il vous plaît, ouvrez le pont)

 

Malgré le laisser passer émanant des plus hautes Autorités du gouvernement égyptien, (c'était en fait un ordre à quiconque le lirait de nous aider sans restriction) une des plus grandes difficultés que nous avons rencontrées était le passage des écluses et des ponts ouvrants qui n'offraient pas une hauteur suffisante pour le bateau. Naviguant sur les canaux du Delta nous avons connu des moments extrêmement pénibles nous heurtant à la barrière du langage, des ponts dont le système d'ouverture était endommagé, des gardiens incapable de prendre la responsabilité de nous laisser passer ou nous demandant un bakchich énorme.

 

Dans certains cas nous arrivions à comprendre que le pont n'allait pas s'ouvrir avant plusieurs jours, voir plusieurs semaines. Dans d'autres cas, le gardien n'ayant jamais vu d'Européens et encore moins, un bateau comme "Leica  ", usait de toutes les "ficelles" pour nous garder avec lui le plus longtemps possible. Chacun de nos gestes, de nos paroles, la moindre marque amicale le plongeant dans un bonheur béat. Comment en vouloir à ceux là.

 

A chaque fois, je devais parcourir la  campagne à pied, à dos d'âne, en stop, en taxi ou en calèche pour visiter les diverses autorités de la région : Gouverneur, Chef de la Sécurité, Chef de la Police, Police fluviale, Directeur de l'Irrigation, Armée, Responsables des Chemins de fer etc...  dans chaque administration à tous les niveaux de la hiérarchie, du simple portier en pasant par le balayeur jusqu'au Chef, je devais remonter la filière expliquant patiemment mon problème par gestes et avec des dessins. Certaines personnes n'avaient pas toujours la culture nécessaire pour comprendre ces dessins malgré toute leur bonne volonté apparente.

 

Je subissais de véritables interrogatoires qui pouvaient durer plusieurs heures.  N'ayant pas de photocopieuse, les responsables des Polices ou des services secrets recopiaient inlassablement le contenu de mon passeport, de la multitude de papiers et d'autorisations se trouvant dans mon dossier.

 

Je négociais pendant des heures, des jours entiers, des nuits. Les ponts de chemin de fer étaient les plus difficiles à faire ouvrir. Pour corser l'affaire, j'étais malade, bourré d'antibiotiques. Dans des accès de fièvre il m'arrivait de perdre momentanément la vue, mes interlocuteurs disparaîssant dans un brouillard. Sans médecin à portée de main, je n'avais d'autre choix que d'avancer co–te que co–te Jér“me étant lui aussi malade et sous le même traitement.

 

L'apothéose : le pont routier de Shibin El Kom.

 

En attente, amarré sur les piles de ce pont, "Leica  " est devenu la curiosité d'une foule qui s'aglutine, enfle, grossit. Notre situation devient de plus en plus précaire. Le courant très fort rend toute maoeuvre de dégagement délicate, voir dangeureuse, à cause d'éléments de structure métallique tordus et accérés dépassant à fleur d'eau, que nous n'avions pas remarqué en arrivant.

 

Le gardien de ce pont parle un anglais parfait et nous réclame un bakchich de 400 dollars. C'est Vendredi (jour férié). Toutes les administrations étaient fermées. Rien à faire. Discussion, palabres sous les pierres, les peaux de bananes et résidus de toutes sortes lancés par des gamins irresponsables, libres de faire tout ce qui leur plaisait malgré la présence d'adultes et de la Police. Jér“me, au corps à corps avec la foule montait la garde sur le pont tentant en vain de refouler ces gosses qui s'enhardissaient de plus en plus. Sa position devenait précaire, même si beaucoup d'adultes parlant l'anglais nous manifestaient une gentillesse extraordinaire ne sachant plus que faire, impuissants à nous sortir de notre détresse. Inlassablement, une même personne nous demandait pendant des heures :

 

"What's your name ? what's your name ? what's your name ..."

" Aswan ? Aswan ?Aswan ? Aswan ? Aswan ? Aswan ?

 

Un ça va mais cinq, dix, cent ... bonjour les dégâts .... exaspérant !

 

Epuisés, éprouvés, par une quinzaine de jours d'enfer, rongés par la vermine,  poux, tiques, puces et j'en passe, ne sachant plus comment faire pour sortir de l'impasse, je finis par prendre à bord une bouteille d'alcool à brûler. Le gardien, borné, butté me regarde ironiquement semblant s'amuser follement lorsqu'une pierre tombait sur le bateau. Il s'en fichait complètement des autorisations que nous lui montrions et n'attendait qu'une chose : ses 400 dollars.

 

Jusqu'à ce moment, j'étais resté calme, patient, souriant, amical et conciliant... Il y a bien un truc, une solution ? Si la raison et la douceur restent sans résultat, le théâtre et la détermination, ça doit marcher... Je me conditionne et fais semblant sans trop de difficultés d'ailleurs de me mettre en colère, montrant une rage froide, soudaine.

 

L'air plus vrai que nature, je l'attrape par le col de sa djellaba en versant un demi-litre d'alcool devant ses pieds lui disant que s'il ne me laisse pas passer j'incendie le bateau. Il en sera responsable auprès du ministre du Tourisme qui nous a fait venir en Egypte.

 

Je craque un briquet, les flammes effleurent sa djellaba, ses yeux roulent dans leurs orbites, une lueur dansante l'éclaire par en dessous accentuant le masque de terreur qui s'inscrit sur son visage... je le relâche, il part en courant me disant en arabe  des mots parmi lesquels je ne comprends que "ifta kobré" ... ça marche !

 

En moi-même je pense : "désolé mon vieux... je sais bien que 400 $ de plus dans ton escarcelle arrondiraient bien ta fin de mois. Sans rancune, ni haine... mais tu ne m'as pas donné le choix. Tu ne peux pas le savoir mais contrairement à ce que tu penses, je n'ai pas la richesse d'une poule aux oeufs d'or."

 

"Hé, Jérôme rapplique, on démarre!"

 

A ce moment, nos partisans sur le pont applaudissent et finissent par intervenir auprès des officiers de Police qui ne savaient plus que faire avec cette foule de plus en plus hystérique et hurlante applaudissant, elle aussi. Elle ne reflue pas à pas devant une rangée de voitures de Police aux sirènes hurlantes, leurs gyrophares accentuant une scène d'apocalypse et d'émeute.

 

Moteur en avant toutes nous passons sous une pluie de pierres, de vieilles savates et autres semelles assaisonnées de la sauce des tomates éclatant sur le pont. Ces gamins sont terribles. A pied, à vélo ils nous poursuivent sur les berges. Hors de vue de la Police, à la faveur de coins obscurs ils utilisent des frondes tournoyantes dont les tirs font éclater des petits ploufs en gerbes d'eau à moins d'un mètre sur l'arrière de Leica  . Nous sommes hors de portée. Leica   s'évanouit dans la nuit au sortir des éclairages de la ville.

 

Ouf ! Quelle galère, mais la voie est quasiment libre jusqu'au Caire. Il ne nous reste plus qu'une demi-douzaine de ponts et d'écluses à passer.

 

"Ca va Jérôme ? Il était pas mal celui là !"

"Ouais ! à quand le prochain ?"

"Patience, mon vieux."

 

Après cet incident, nous n'avons plus connu de problèmes de backchich jusqu'à Louxor.

 

Les laboureurs du Nil

 

La notion temporelle est un facteur économique propre aux civilisations modernes. Dans les pays en voie de développement cette notion de temps et d'espace n'existe pas. Le transport à la voile reste encore rentable en Egypte.  Sur les berges du Nil de nombreuses felouques abandonnées témoignent de l'histoire de ces magnifiques voiliers en voie de disparition.  Bient“t, il ne restera plus sur le Nil que des péniches modernes. La survie de ces voiliers est intimement liée à l'évolution économique du pays.

 

Mustafa est le premier felouquier parlant un anglais parfait que nous avons rencontré. "Leica  " piaffait tout heureux de naviguer de concert avec une antiquité appartenant à un autre monde. Bourrée de grosses pierres, sa felouque taillait sa route plein vent arrière,  louvoyant entre les bancs de sable, labourant le courant du Nil avec son étrave rustique. Une bonne aubaine pour "Leica  " qui se gardait bien de montrer ses qualités de "pur sang" en se rangeant sagement derrière un guide inespéré. Enfin, des vacances et une navigation sans le souci de surveiller constamment le sondeur.

 

Pour la photo, Jér“me, Ewa et Melody envoient le spi tandis qu'à partir du Zodiac je "grille" hystériquement une quantité monstrueuse de bobines de Fuji-Velvia .

 

A la radio : "Hé ! Jér“me, lance le moteur et embraye la marche arrière. Tu vas trop vite !"

 

Mustafa travaille pendant six mois comme professeur d'anglais et le reste de l'année navigue sur le Nil avec la felouque de son père. Sa felouque co–te une fortune : 9.000 francs. Sa surface de voilure est impressionante et l'on sent qu'elle a atteint depuis longtemps l'apogée de son évolution technologique parfaitement adaptée aux conditions du transport sur le Nil.

 

Dans la nuit une luciole vert fluo...

 

Tout au long du Nil et des villages , aux étoiles de la nuit se mêllent des lucioles verts fluo matérialisant les minarets. Signe des temps modernes, ces minarets sont bardés de hauts parleurs aux décibels musclés qui garantissent au voyageur perdu en ces lieux une insomnie parfaite. Le charme exotique des nuits musulmanes se transforme peu à peu en une hébétude insomniaque.

 

La parole d'Allah se répercute sur les eaux du Nil h des distances parfois incroyables nous enlevant toutes chances de trouver le sommeil réparateur dont nous avions tant besoin. La loi Coranique s'impose bon gré mal gré ne pensant pas aux fidèles des autres religions.

 

Pourtant, je me souviens avec une grande émotion d'un moment d'une poésie saisissante. Ayant entendu un léger bruit d'eau à proximité de "Leica  " au mouillage, inquiet et sur mes gardes, je m'extirpe de ma couchette pour sortir la tête par le panneau du rouf.

 

Sortie du Moyen Age, poussée par le courant, une grosse felouque à deux mâts défile à quelques mètres de moi. Ses voiles flasques pendent inutiles et découpent un banc de brume matinale auréolé de la lumière blafarde de la pleine lune. Dans le lointain, les minarets se renvoient la longue litanie des paroles d'Allah, exhortant les fidèles à la prière. Un héron s'envole des roseaux ... l'instant est magique. Ma pensée remonte la nuit des temps. Suis-je bien au XXème siècle ?

 

"Allah Akbar ! ..... Allah Akbar ! ....."

 

Deux ombres s'affairent sur un énorme aviron tendant de maintenir la felouque dans le fil du courant.  La scène s'évanouit lentement vers le futur à la faveur de la nuit ... ai-je rêvé ?

 

"No charge for looking Sir..." "Pour regarder c'est gratuit"

 

Bien évidemment, nous n'avons pas échappé au racket pratiqué ici et là en toutes occasions : la douane d'Alexandrie très sage à la rentrée du bateau l'attendait patiemment au retour... sur le parcours du c“té de Louxor il existe une activité plus qu'intense et fiévreuse menée de main de maître qui consiste à rançonner systématiquement et à effectuer un transfert non stop de l'argent d'une poche à une autre pour la moindre raison. Même les porteurs de certains hôtels qui reçoivent un pourboire doivent verser des royalties. Les seigneurs de ce racket ont amassé des fortunes colossales. Dans les rues de Louxor les marchands de souvenirs vous laisseront rentrer complaisamment en vous signalant tout de même qu'ils ont l'extrême gentillesse de vous laisser regarder leur boutique sans vous faire payer un droit de regard ! Le bakchich est roi mais le voyageur averti saura voir le sigle dollars brillant dans les yeux de son interlocuteur. Que dire encore de ce garde du temple de Kom Ombo dont le travail rémunéré par l'Etat est la surveillance du site et de notre photographe lors de sa séance de prise de vue. Retournant vers "Leica  " l'individu  soupirait à chaque pas un mot inintelligible au début. Répété inlassablement "schhh"- "shhhh" le soupir (comme l'expression d'une souffrance) est devenu un chuchotement puis s'amplifiant au fur et à mesure que le groupe s'approchait du bateau s'est transformé en "kshiss"  "ackschisch" "bakchich". Le garde marchait le dos courbé en prenait un air de chien battu malheureux.... du grand art ! Le monde est mal fait parfois car cet homme gagnerait probablement mieux sa vie comme acteur de cinéma. Le quémandeur, passé maître dans l'art de la tromperie et de la comédie déclenche adroitement chez son interlocuteur innocent un forme de pitié déclenchant la générosité. Les techniques employées sont aussi multiples que variées.

 

Même si le bakchich est une véritable plaie il convient toutefois d'en analyser les causes :

 

Les salaires très bas ne permettent pas toujours aux Egyptiens de vivre correctement. Un serveur sur un bateau hôtel ou dans un hôtel cinq étoiles gagne environ 200 francs. Le salaire d'un fonctionnaire est de 300 F. Un professeur d'université gagne environ 800 F.

 

Ainsi le bakchich s'est installé dans ce pays en s'élevant par la masse monétaire globale au niveau d'une véritable  économie secondaire. (Douane, gardes de sites touristiques, garde d'écluses, de ponts, personnel touristique etc...) avec ou sans autre choix tout le monde s'arrondit les fins de mois.

 

Les réalités financières des pays industriels n'ont aucun point commun avec celles d'un pays en voie de développement comme l'Egypte.  Les gens se débrouillent et arrivent à un certain équilibre de vie. Même, si la misère est fréquente, je n'ai rencontré aucun cas de malnutrition, je n'ai jamais entendu que quelqu'un soit mort de faim dans ce pays. Même si ça peut arriver, c'est occasionnel.

 

Le touriste, par ignorance, croyant bien faire, trop souvent pollue et détruit les populations sur son passage en donnant généreusement un pourboire complètement démesuré. Il apprend ainsi aux gens qu'il n'est plus nécessaire de travailler pour vivre.  La perte du sens et de la valeur du travail est une des pires choses qui puisse arriver à une population. Le pourboire démesuré est un véritable cadeau empoisonné.

 

Qu'une récession se produise dans le tourisme (comme c'est le cas aujourd'hui) et tous les bas salariés dont certains ne peuvent survivre que grâce au "bakchich" se retrouvent privés de cette source de revenu (Cela ne concerne évidemment pas les grands Seigneurs de véritable mafia qui par le racket et une exploitation à outrance ont édifié leur fortune).

 

Mais quelle est la solution à ce problème qui menace t“t ou tard de détourner l'engouement des foules pour ce pays si attachant par ailleurs ?

 

Sécurité

 

Le peuple égyptien est un peuple doux, gentil et je n'ai jamais senti ma sécurité en danger (ce qui s'est passé à l'île Eléphantine est un accident) même si dans certaines situations, certains endroits, chez certains individus l'on peut avec l'habitude déceler un grand potentiel de violence. C'est propre à tous les peuples du monde. Avec ou sans Crise du Golf, les Souks du Caire ou de n'importe quelle ville égyptienne me paraissent infiniment plus sûrs que certains quartiers de nos villes ou que le métro parisien à des heures tardives.

 

Avec "Leica  " nous prenions toutefois la précaution de nous arrêter seulement à la nuit mouillant l'ancre près d'une des berges du Nil, loin des villages. Nous n'avons pas senti une pression quelconque si ce n'est qu'une nuit, réveillé par un bruit je suis sorti pour chasser à coups de gaffe (je tapais à côté de ses mains) un individu accroché aux bastingage. Je ne peux encore dire aujourd'hui si son intention était malhonnête. Après plusieurs rencontres avec les pêcheurs du Nil, je ne le crois pas et je pense que sa barque a heurté notre bateau malencontreusement et qu'il cherchait à rétablir son équilibre.

 

Une expérience intéressante. Nous faisions nos courses sur les marchés des villages que nous traversions. A kom Ombo je pars avec Ewa et Melody faire quelques achats au milieu d'une foule bigarrée. En Egypte les enfants sont rois et Melody nous attirait une multitude de sourires curieux et de souhaits de bienvenue : "Welcome in Egypt". Soudainement une petite fille accompagnée de sa mère tire Ewa par la manche et lui tend à notre grand étonnement son porte feuille duquel dépassait une liasse de billets de banque (environ 1000 francs). Une fortune comparée au salaire et au niveau de vie. Un geste qui nous touche beaucoup. Perdez donc votre porte feuille dans un super marché en France.

 

L'art et la manière de passer une écluse sans profondeur

 

Une petite anecdote entre mille est significative des problèmes quotidiens que nous avons d– résoudre : la navigation sur le Nil contrairement à ce que l'on peut penser en voyant évoluer les bateaux-hôtels n'est pas aisée pour diverses raisons. Par exemple, la baisse annuelle des eaux du fleuve (régulée par les barrages pour des raisons agricoles) requiert de la part de leurs commandants une expérience vieille de plusieurs dizaines d'années. Le tirant d'eau de ces bateaux inférieur à 1,20 mètres est essentiel. Ces commandants recrutés parmi des felouquiers et les bateliers du Nil n'ont aucune éducation particulière, parlant rarement l'anglais ils connaissent chaque mètre du fleuve et leur sens de l'observation fait jour et nuit appel à une formidable mémoire visuelle. Ils n'en croyaient pas leurs yeux de voir "Leica  " débouler sous spi à Assouan surtout en apprenant qu'à son bord il n'y avait depuis Alexandrie aucun guide.  L'arme secrète : le sondeur et la logique de la mécanique des fluides. Le courant par l'effet de la force centrifuge érode plus la partie extérieure de la courbe du fleuve et son lit est à cet endroit le plus profond. Le problème se complique lorsque l'on découvre que sous sa surface le lit du fleuve est parfois autre que ce que laisse supposer la configuration de ses berges. Par ailleurs, il faut arriver à trouver le passage pour changer de berge car bien évidemment la profondeur est intimement liée à la largeur du courant principal... (large = peut de fond et bancs de sable, étroit = tout va bien, en moyenne 3 à 6 mètres - A Assouan les profondeurs maximum enregistrées par "Leica  " étaient de 52 mètres) nous n'avons rien rencontré d'insurmontable jusqu'au jour où à Hammadi le seuil et le fond d'une écluse n'offrait que 50 centimètres de profondeur contre les 90 de tirant d'eau de "Leica"   en charge... Le niveau de l'eau reste bas pendant un ou deux mois tous les ans. De nombreuses péniches ou même des bateaux-hôtels attendent ainsi plusieurs semaines la remontée du niveau d'eau pour passer.

 

Les éclusiers tentent d'expliquer qu'il est impossible de passer. Il faut attendre. Mais une de mes devises est de dire qu'à chaque problème posé il existe une solution....  face à l'arrêt et à l'échec de l'expédition (une attente d'un mois ou plus était impossible financièrement), pensif, assis sur un quai j'observe des péniches dont l'une fait tourner son moteur en brassant puissamment les eaux du Nil. Eureka !

 

Négociations, discussions, dessins, gestes, et argument ultime : le Dieu Dollar, je finis par faire manœuvrer deux des péniches pour les placer l'arrière face à l'entrée de l'écluse. Moteurs en avant toutes, le niveau d'eau enfermée dans cul de sac remonte ostensiblement et "Leica  ",  transformé en véhicule hybride 3 x 4 (quille + ses deux gouvernails) sautille, racle, rechigne mais avance centimètre par centimètre dans un hurlement de moteurs. L'eau bouillonne, le niveau monte. A bord, nous sautons sur place pour alléger le bateau qui par à coups finit par se retrouver grotesquement échoué dans l'écluse à l'arrêt des moteurs des péniches. Qu'à cela ne tienne, la porte peut se fermer et Leica   s'échappe de ce piège sous les acclamations et les ovations d'une foule enthousiaste... à croire que toute la ville au courant d'un événement inhabituel s'était réunie pour l'occasion.
 

 

La crise du Golf

 

La guerre du Golf ne nous a pas rendu la tâche facile, mais, Breton têtu et opiniâtre j'ai réalisé environ 90% de mon programme initial. 90% car dans mon projet était prévu un transport du bateau de l'autre c“té du barrage d'Assouan par un hélicoptère ainsi que sa dépose  devant les pyramides de Giza pour réaliser ces photos de "Leica  " sous voiles dans le désert naviguant dans le sable jusqu'à la ligne de flottaison là ou le Nil passait au pied des pyramides il y quelques milliers d'années.

 

En Egypte, même s'il faut apprendre à demander la permission de demander une permission pour avoir l'autorisation d'obtenir l'autorisation.., tout reste possible. Le secret : le temps, la patience, la ténacité et la gentillesse légendaires des Egyptiens. Les multiples permissions des divers départements (Antiquités, Police, Sécurité, Informations, Tourisme, Police des Rivières, armée de l'Air, Police touristique) étaient données, tout était prêt pour le bouquet final du reportage mais la guerre du Golf en décida autrement. L'Armée de l'Air égyptienne a malheureusement d'autres soucis en ce moment et annule la mission.

 

Je n'abandonne pas pour autant et décide de tenter l'opération avec un camion et une grue...

 

Une arme économique redoutable -

 

L'Egypte en cette période de crise est désertée par les touristes. Les menaces d'attentats terroristes y planent comme dans tous les pays impliqués de près ou de loin dans le conflit du Golf. Sans la charge d'un bateau il est tout à fait possible au touriste traditionnel de faire un voyage merveilleux loin des foules et de la cohue . Dans les zones touristiques, à aucun moment, plus qu'ailleurs dans le monde, notre sécurité était en danger. Ces menaces sont principalement des armes économiques faciles et terriblement efficaces. Leur effet dans l'avenir sera probablement plus dévastateur que les bombes elles-mêmes. L'Egypte, comme tout le monde le sait, lutte contre de nombreux problèmes et tout particulièrement contre les effets d'une démographie galopante. La crise l'ampute de sa principale source de revenu : le tourisme. Son équilibre économique, déjà précaire, est en chute vertigineuse et laisse prévoir un avenir plut“t sombre et dévastateur pour ce pays.

 

L'intégrisme proirakien n'est à ce jour pas la menace principale car la majorité de la population comprend que la guerre éloigne le tourisme.  Mais, si par malheur, cette population voit pour une raison quelconque son niveau de vie (déjà très faible) baisser en dessous du seuil tolérable alors les risques d'émeutes peuvent se répandre comme une traînée de poudre enflammée.

 

L'hospitalité et la générosité des pauvres -

 

Nous avons connu des merveilleux moments passés avec les gens du Nil, une population à part : mariniers, felouqiers ou encore ces familles de pêcheurs qui tout au long du Nil vivent jour et nuit sur des petites barques qui ne permettent même pas de s'allonger pour dormir. Des gens simples, démunis de tout qui inlassablement ne manquaient jamais d'offrir du thé, des légumes, du pain ou des poissons... leur méthode de pêche date de l'époque des pharaons.

 

Execution & vendetta

 

Que dire aussi de cette soirée magique et paisible sous un clair de lune miroitant de milles feux dans les eaux du Nil..  assis dans le cockpit de Leica   nous savourons un soda quand ; soudain, à  peut être un kilomètre du bateau éclatent des fusées et le stacato d'armes automatiques ponctué par des explosions de grenades ...  des cris de combat, des râles d'agonie et d'horreur s'élèvent dans une nuit zébrée par des balles traçantes... Une fusée rouge marque la fin des hostilités ... suivie peut après par des cris et des pleurs de femmes venues ramasser les morts. Arrivés à Louxor, les autorités expliquent l'existence de revanches centenaires entre familles. C'est toute une tradition. Un code d'honneur régule ces combats. Une famille ayant eu un mort (parfois plusieurs générations avant) projette de se venger et choisit soigneusement le membre de la famille adverse : afin d'occasionner le plus de dommage possible, par souci d'efficacité, on choisit toujours la personne la plus cultivée et la plus riche. Dans leur village les enfants de familles adverses grandissent et vont ensemble à l'école. Ils jouent toute leur enfance durant avec l'ami qui arrivé à l'âge adulte devient l'ennemi selon une logique implacable.

 

Cette personne avertie n'a aucun moyen de s'échapper nulle part dans le monde. Les revanches aboutissent toujours. La seule façon de s'y soustraire est de prendre dans ses mains le drap qui servira pour l'enterrement à enrober son corps et de le remettre à la famille adverse. Toute action de revanche s'arrête alors immédiatement. Mais c'est perdre et bafouer l'honneur de la famille qui bien souvent élimine elle même la "brebis galeuse".... ce combat ne représente que peu de dangers pour une personne extérieure qui se trouverait par hasard prise entre les deux feux. Les tirs s'arrêtent pour laisser passer et reprennent de plus belle... en attendant nous nous sommes fait une belle frayeur dans ce contexte de crise internationale... nous avons bien cru que le Soudan passait à l'attaque.

 

Assouan

 

La nuit tombe, Leica   s'évanouit dans le lointain. A bord du Zodiac "Armor Nautic" je fonce vers notre but distant de quelques kilomètres pour trouver un felouquier capable de nous guider. En effet, si sur toute la remontée du Nil nous nous sommes échoués quelques fois sur des bancs de sable, ici il s'agit de blocs de granit à fleur d'eau. Pas question de les deviner au sondeur ...

 

Je reviens à bord avec la perle rare qui n'a trouvé rien de mieux que de nous précipiter à 5 noeuds sur un cailloux, de me dire qu'il connaissait cet endroit, sans m'expliquer pourquoi il ne l'a pas évité et de me réclamer un bakchich royal en récompense. Quel culot ! mais dans ce domaine plus rien nous étonne.

 

Je regrette simplement qu'il n'y a plus, depuis longtemps, des crocodiles de ce c“té du barrage car je l'aurais volontiers étranglé avant de le jeter en pâture à ces sympathiques petites bestioles...

 

Toute la structure du gouvernail babord est endommagée. Même, si ce dernier fonctionne, il me paraît impossible d'effectuer la descente sur le Nil dans le sens du courant. Trop de risques d'échouage. Le gouvernail peut s'arracher entraînant une voie d'eau et la perte de "Leica  ". Il est encore moins question d'affronter les tempêtes de la Méditerranée dans cet état.

 

Nous sommes restés 23 jours à Assouan avec une multitudes de problèmes à régler.

 

A cause de ce sponsor qui nous a laissé tomber au dernier moment le financement était un souci permanent et majeur. Tout au long du voyage nous avons vécu un suspens incroyable et éprouvant trouvant au dernier moment les ressources pour continuer jusqu'à l'étape suivante.... tout nous semblant perdu, enragés de désespoir nous faisons feu de toutes pièces sur tous les marchés, essayant par fax et par téléphone de vendre quelques uns de nos nombreux reportages, ne sachant jamais ce que le lendemain nous réserve. Cela a marché en Grèce... ça peut peut-être marcher en Espagne...

 

Ewa et Melody repartent en France... en route pour conquérir le marché espagnol...

 

Le chef de la sécurité du territoire égyptien m'a donné au Caire sa bénédiction pour amener "Leica  " de l'autre côté du barrage vers Abu Simbel. Malgré l'ordre formel de nous laisser passer, le chef de la Sécurité d'Assouan nous fait tourner en bourrique pendant 23 jours. Un jour oui un jour non, un jour oui,  nous transportons Leica   sur la route du barrage, un de ses officiers vient nous demander de faire demi-tour au dernier moment. Crise du Golf ou histoire de Bakchich auquel nous n'avons pas cédé depuis Louxor faute de moyens ? Dans les deux cas, cet homme, ne respectant pas les ordres de ses supérieurs,  semble mal placé dans le contexte pour assurer la protection d'un barrage sur lequel repose toute la survie de son pays.

 

Epuisant ! J'étais là pour faire des photos et en 23 jours nous nous sommes payés le luxe de 2 heures de prises de vues dans un décors magnifique...

 

Après une intervention du Caire j'obtiens enfin un feu vert qui semble bien réel cette fois-ci... mais la radio et les journaux annoncent des menaces en provenance du Soudan (Mr Mohamed Hussein du bureau de l'Information d'Assouan me signale qu'une base de missiles Irakiens située dans ce pays aurait déjà été détruite par l'aviation Egyptienne). Nous venons de passer 2 jours enfermés dans notre hôtel entourés d'une multitudes de gardes armés jusqu'aux dents somnolents dans tous les coins...

 

Dans ce contexte, à contre-cœur, je décide d'annuler la croisière sur le Lac Nasser. Je n'étais même plus s–r d'avoir l'autorisation de ramener "Leica  " du bon côté du barrage à mon retour.

 

Je me suis débatu en vain pendant une semaine pour trouver un camion et j'ai fini par téléphoner à mes nouveaux amis de l'Ambassade de France au Caire.

 

- "On va voir ce que l'on peut faire"

 

Quelques jours plus tard Fickry me téléphone. Il est responsable des services de transport et de logistique de la SOGEA Métro du Caire.

 

- "Mais combien coûte le transport ?"

- "Comment ?" ...

- "Ne vous inquiétez pas on s'occupe de tout !"

- "Mais, votre camion, combien devons nous le payer ?"

- "Vous avez besoin d'une grue ?, nous pouvons vous en fournir une, pas de problème, on s'occupe de tout " ...

 

Dialogue de sourds... pas moyen de connaître le prix du transport. Quelque chose cloche, cet homme au téléphone ne semble pas du tout être un mercantile assoiffé de profit et de bakchich du genre à présenter une facture accompagnée d'un couteau sous la gorge une fois le service rendu. Sa voix est claire et sa pensée limpide...

 

La chance  est au rendez-vous. Je n'ai pas eu besoin d'expliquer que j'étais au bout du rouleau, épuisé, fatigué, éprouvé par toutes les angoisses et incertitudes du moment.  Et j'ai fini par comprendre dans un petit nuage de bonheur que Fickry et la Sogea, contacté par l'Ambassade de France m'offrait spontanément et gratuitement l'évasion de "Leica  " par la route.

 

Un geste de solidarité que je ne suis pas près d'oublier.

 

Signalons en passant que le Métro du Caire est une véritable pyramide sous-terraine de l'Egypte moderne. Sa construction est un vrai tour de force, un exploit au sens le plus large du terme.

 

Une soirée mouvementée ou une bavure manquée -

 

Invités pour un dîner sur l'île Eléphantine à Assouan nous débarquons de nuit en Zodiac. A peine engagés sur l'île nous sommes interpellés en arabe par un homme distant d'une vingtaine de mètres. Dominique mon équipier lance en marchant :

 

-  "laisse tomber c'est encore un type qui veut un bakchich" 

quelques pas plus loin, la voix se fait entendre avec une intonation encore plus impérative. Instinct, expérience de l'Afrique

 

- "Arrêtons-nous ce type est peut-être armé..."

 

J'éclaire l'individu avec une torche et je découvre avec stupeur le reflet d'un revolver dans une main mal assurée et tremblotante ... 

 

Nous nous éclairons pour montrer que nous n'avons aucune arme.... en nous rapprochant lentement, prononçant en arabe les quelques mots appris au cours du voyage.

 

- "Pas de problème, tout va bien, Ok "

 

Tant qu'à faire autant être au contact direct avec ce type pour tenter de le désarmer avant qu'un de ses tremblements ne déclenche un tir intempestif. Au moment même o— je décide de passer à l'action l'homme qui semblait de plus en plus nerveux et agité baisse son arme ... chaleur, adrénaline et tout le reste... le danger s'écarte et tant bien que mal nous prononçons le nom  de Joséphine cette Hollandaise qui vit sur l'île avec ses trois enfants.... dîner charmant en compagnie d'une famille super exilée dans ce coin du bout du monde.

 

Explication : l'île Eléphantine est un lieu touristique fréquenté de jour par des touristes et le seul moyen pour s'y rendre est le voyage organisé en felouque. Quelques semaines auparavant, des pillages ont eu lieu sur des sites archéologiques de la région. Les services des Antiquités sont impardonnables d'avoir confié une arme à un garde analphabète pour garder ce lieu ou de toute évidence tôt ou tard des innocents peuvent finir par débarquer accidentellement en dehors  des horaires et du rituel des voyages organisés en felouques. Bien évidemment il n'y a pas de panneau d'interdiction puisque ce n'est pas interdit ...

 

"Le soleil pleure..."

 

Nous chargeons non sans mal Leica sur le plus beau camion du monde. Dominique et deux amis égyptiens l'escortent en taxi. Confortablement installé dans l'avion qui vient de faire escale à Louxor j'observe la route le long du Nil et j'aperçois mon bateau roulant sur le camion. Je survole un des plus beaux fleuves du monde et de ma mémoire surgissent les milliers de souvenirs de notre aventure....tiens on s'est échoué dans cette courbe, là nous nous sommes arrêtés dans ce village... etc... la vie est belle, le spectacle est splendide et je retrouve un de mes mode de vision favoris : la vue aérienne.

 

Je pars au Caire en éclaireur pour débrouiller les problèmes de cette prise de vues devant les pyramides.  J'y retrouve un semblant d'organisation malgré la crise du Golf et tous les feux verts sont donnés pour me permettre de réaliser cette photo. L'acharnement fini toujours par payer dans ce fichu métier,

 

Un certaine forme d'innocence, d'obstination et d'optimisme délirant m'ont toujours permis de passer au travers de tous les obstacles.

 

D'un hôtel j'appelle la France:

"Allo Ewa !"

"Alain, je rentre d'Espagne. J'ai tout vendu !"

 

A l'autre bout du monde Melody s'impatiente et me réclame.

- "Allo Papa, ça y est Papa tu rentres ? ... tu sais le soleil pleure ici ?"

- "Comment ça Melody le soleil pleure ? "

- "Ben oui, il pleut au Croisic"

- "Tu sais Melody, c'est presque fini je serais à la maison  bientôt" ...

 

La pluie ? Je rêve !

 

Echec et mat

 

.... j'exulte, nous allons, grâce aux magazines espagnols, pouvoir charger Leica  sur un cargo. J'explique à Ewa que nous tenons le bon bout et que je vais enfin la faire cette sacrée photo.

 

- "Ewa, on tient notre photo. J'ai tous les feux verts et la bénédiction de tous les services, du bureau de l'Information et du Secrétaire d'Etat au tourisme qui m'a demandé de lui faire une photo du bateau avec un panneau sur lequel est écrit 'Here is Peace - Office du Tourisme Egyptien'. Ils sont super motivés. Tout est ok. C'est super !"

 

Un matin, le camion arrive au pied des pyramides. Tout est en place, même la lumière est au rendez-vous lorsqu'un groupe s'approche de nous. Une femme nous demande, sans se présenter et sans ménagement de dégager la zone de toute urgence. Une menace d'attentat terroriste est en court sur le site. La mort dans l'âme nous prenons la route d'Alexandrie.

 

Après une dizaine de jours de démarches et un véritable "parcours du combattant" dans les arcanes de l'administration et de la douane portuaire, "Leica  " rentre en France sur le cargo. Ouf !

 

J'apprends plus tard que la personne nous demandant de dégager de la zone des Pyramides n'avaient aucune autorité, qu'il n'y avait ce jour là aucune menace d'attentat. Il s'agissait d'une secrétaire dont j'apprends le nom et la fonction par la bande: Mme Amal Samawel du Service des Antiquités ... ? Pourtant ce Service avait été mis au courant par le Ministère du Tourisme et tout était clair ? Encore une bavure des Antiquités mais pas manquée celle là...

 

Dans mon esprit une nouvelle incertitude s'impose maintenant. Comment seront mes photos ? Là aussi tout peut arriver aux 250 bobines de films qui passent en ce moment l'examen de vérité dans la chimie d'un laboratoire.

 

Un regard ouvert sur le monde permet de se rendre compte en une seconde qu'il y a sur terre d'autres problèmes et des misères terribles.

 

Comme disait un ami américain :

 

"Au plus fort d'une 'tourmente',  penses que cela pourrait être pire."

 

Aujourd'hui, le suspens continu dans les rédactions ... j'ai le plus beau métier du monde, une chance d'enfer et une merveilleuse petite famille qui m'attend dans notre petite maison du Croisic. Le Croisic sous la pluie ... quel bonheur!

 

Le prochain reportage ? .... très bientôt.... en Egypte... "Inch Allah !"

 

Pour conclure, j'espère que les magazines internationaux ouvriront leurs pages à mes photos en souhaitant qu'elles incitent leurs lecteurs à passer des prochaines vacances dans ce pays merveilleux. Qu'ils se rassurent, les organisateurs du tourisme égyptien sont de grands professionnels qui sauront leur faire éviter les petits désagréments que nous avons rencontré en empruntant les chemins de traverse.

 

Texte par Alain Guillou    Mention obligatoire

 

 

 

 

 

Composition de l'équipage :

 

A cause de la durée de l'expédition, les équipiers se sont relayés tout au long du parcours.

 

Alain Guillou      - Photographe et skyper   France

Ewa Guillou & Melody (3 ans)                  France

Steve Mc Gruder    -  Equipier                USA

Jean-Pierre Denion -  Equipier                France

Jerôme Panine      -  Equipier                France

Dominique Ducos    -  Equipier                France

Chouckry Saad       -  Assistance à Assouan    Egypte

 

 

Technique de navigation sur le Nil

 

Naviguer sur le Nil peut sembler aisé lorsque l'on se trouve confortablement installé sur la berge et que l'on voit passer un de ces 300 bateaux-hôtel naviguant pour la plupart entre Louxor et Assouan mais aussi pour certains entre Le Caire et Louxor.

 

Pour "Leica  " de nombreux problèmes se posaient :

 

A- Limitation du tirant d'eau.

B- Impossibilité totale d'obtenir quelque information que ce soit sur la hauteur d'eau des écluses et des passages les plus délicats du Nil. La seule chose que nous savions c'est que la hauteur d'eau était au plus bas de l'année.

C- Etat du Nil, par exemple obstruction totale par des Jacinthes d'eau (ou fleurs du Nil). Etat d'entretien des canaux d'irrigation que nous avons empruntés pour passer en plein cœur du Delta.

D- Méconnaissance des mauvais passages.

C- Hauteur des ponts et là encore impossible d'obtenir des renseignements précis.

 

Le tirant d'eau de Leica   à vide est donné pour 76 cm. En charge nous faisions +- 90cm. Le choix du bateau était primordial.

 

Ca devait être un dériveur lesté capable de naviguer sous voiles avec sa dérive totalement remontée sans trop dériver. Ceci même à des allures proches du vent.

 

Il devait bien sûr avoir des qualités marines irréprochables. La Méditerranée n'est pas une plaisanterie.

 

Le First 305 Bénéteau, dériveur bi-safran, s'imposa à notre esprit malgré deux petit défauts propres aux besoins de cette expédition :

 

- difficulté d'adapter un système de démâtage efficace.

  - les deux gouvernails inclinés à l'arrière sont d'une efficacité à la mer extraordinaire surtout par gros temps et ils permettent de garder plus longtemps le contrôle du bateau à la gîte. Par contre lors des échouages sur le Nil, il n'y avait pas de moyen de réduire artificiellement le tirant d'eau en faisant gîter le bateau. Le seul moyen de se déséchouer était de mettre du poids sur l'avant en y déplaçant l'équipage. (Conséquences : déséchouage en force.)

 

 

Remerciements

 

Je tiens  à remercier vivement tous les gens qui m'ont aidé, sans qui ce reportage n'existerait pas et qui ont compris la portée médiatique de cette entreprise et l'aide qu'elle peut apporter au développement du tourisme égyptien : SOGEA Métro du Caire - Service gouvernemental de Presse et d'Information - Bureau pour la Promotion du Tourisme - Armée de l'Air Egyptienne qui spontanément a adhéré à l'idée de transporter "Leica  " avec un hélicoptère devant les pyramides et sur le Lac Nasser. (Voir ci-joint le "rough" de la photo réalisé par le dessinateur publicitaire Christian Paty).

 

Un remerciement tout particulier à Chouckry Saad officier de relations publiques du bureau de Tourisme d'Assouan sans qui rien n'aurait été possible dans cette ville.

 

Et puis, bien sûr,  tous les sponsors qui ont participé à cette expédition : "Leica", "Leica Camera", Ville du Croisic, Gérard Lemerle Sarl, Armor Nautic, Bénéteau, Plastimo, Icom, Nauta, JCM Slides, Echelles de Mât Magic Mât et enrouleurs Furltec, Vêtements Allmer, sangles et élingues Cocako- Spanset et Fuji Films France.

 

Un petit mot encore sur la résistance et les qualités exceptionnelles de la construction de "Leica"   un First 305 Bénéteau qui a du affronter entre la Crête et le Péloponnèse des vents supérieurs à 80 noeuds. (les ingénieurs météo locaux ont donné des chiffres largement supérieurs à cause de l'accélération créée par un effet de venturi due au relief des montagnes de la Crête bordant le détroit. Le vent levait des vagues de 4 à 8 mètres et peut être plus par moment. Les super tankers, ferry et autres gros navires ont préféré, ce jour là, se réfugier derrière le Péloponnèse en attendant la fin de la tempête.

 

                  

 

Alain Guillou a à son actif de très nombreux reportages photos publiés par les plus grands magazines français et internationaux: National Geographic, Life, Stern, Bunte, Le Figaro Magazine, Paris Match, Geo etc... (Europe, Amérique Nord et Sud, Japon, Australie et Moyen Orient).

 

Parmi ses reportages les plus célèbres (plusieurs centaines de publications) : "Le milliardaire américain Malcolm Forbes", "Le survol du Kenya en parapente à moteur", "Le vol historique sur Paris de la Réplique du ballon du Premier Vol Humain", lors du bi-centenaire de l'Air et de l'Espace, "La traversée de l'Islande en surf de neige à voile", "Venise sous la neige", "Les Filles de la Marine Nationale Suédoise", "Safari en ballon au Kenya" etc...

 

Une liste de 80 reportages est disponible sur demande.

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